Je vis avec une maladie chronique

Nous avons reçu un jour un email de Stefanie Berg que nous ne connaissions pas. Elle est allemande et vit à Hambourg. C’était un tout petit email très discret, signalant qu’elle avait traduit en allemand un article de Fanny Moureaux-Néry, un de ces articles perdus dans les tréfonds de notre blog, mais que j’ai la joie de voir qu’ils ne sont pas perdus pour tous et qui méritent vraiment d’être relus. Stefanie nous envoyait sa traduction en allemand et c’était tellement improbable que je lui ai écrit pour en savoir plus. Voici sa réponse, qu’elle m’a autorisée de publier. C’est écrit dans un français incroyable. Dans un autre email, elle disait qu’elle aimait lire la philosophie en langue française. Nous allons pouvoir inclure les germanophones en francophonie ! J’aimerais beaucoup rencontrer Stefanie.

Catherine,

La raison pour laquelle j’ai découvert votre formidable blog est que j’étais à la recherche d’informations sur Rita Charon, qui par ailleurs était citée dans le livre magnifique de Cynthia Fleury, intitulé : Le soin est un humanisme. (Et ouiii !)

Il me semble que souvent, la médecine dite « académique » oublie ou ne donne pas assez de place à cet aspect narratif qui, de mon point de vue, est extrêmement important. Cela veut dire de mettre le focus sur la personne avant de s’occuper de la personne malade. Donner de l’espace pour que la/le patient.e puisse raconter, se dire, parler sur son vécu dans un cadre médical. Soit pour faire avancer le soin, soit pour être accompagné.e dans la maladie.

Je vis pour ma part, depuis très longtemps, avec une maladie chronique qui m’oblige à faire beaucoup d’efforts tous les jours. Grâce, ou à cause de cela, je suis sensibilisée au phénomène de cette pratique de la médecine « en trois minutes », où la personne concernée par la maladie reste exclusivement un « objet ».

En étant atteint.e d’une maladie en général, et d’une maladie chronique en particulier, la personne malade sait beaucoup de choses, quelquefois invisibles pour l’extérieur, quelquefois juste par intuition, mais souvent sans connaître les termes médicaux. C’est ici que l’approche narrative peut intervenir en créant le dialogue entre la/le docteur.e et la/le patient.e afin de trouver ensemble un cheminement dans le parcours du soin. De la même façon pour les traitements non-chroniques, il s’agira de chercher une « discussion » pour lancer les démarches médicales à entreprendre.

J’ai lu le livre de Cynthia Fleury pour mon projet d'écriture sur mon expérience avec la maladie chronique et je suis complètement d’accord avec ce qu’écrit la philosophe et psychanalyste (toujours elle) lorsqu’elle écrit : « se remémorer cette vérité première qu’il n’y a pas de maladie mais seulement des sujets qui tombent malades et que la reconnaissance de cette subjectivité est la seule opérationnelle pour la production d’un soin » (page 30).

Sa réflexion a fortement illuminé ma propre façon de penser la maladie. Cette lecture a créé pour moi un nouvel horizon, ce qui vaut pour tous ses livres que j’ai lus d’ailleurs. Quelle belle expérience intellectuelle et personnelle !

Il y a une vingtaine d'années, j’ai étudié la philosophie et par passion, j’aime bien lire et écrire. Depuis peu de temps, et par amour pour la langue française, je souhaite me lancer dans la traduction du français vers l’allemand. J’ai également traduit cet ouvrage de Cynthia Fleury pour moi, afin de pratiquer la traduction. Pour apprendre, pour expérimenter ce travail de transmission, principalement dans les domaines des approches narratives qui m’intéressent énormément. Je vous ai donc envoyé ma traduction du compte rendu de Fanny Moureaux-Néry sur la médecine narrative, sans faire partie d'une institution ou d'un groupe thérapeutique mais par une démarche personnelle.

Je vais continuer de lire les « Errances Narratives » avec un très grand plaisir, et ton livre sur l'approche narrative se trouve déjà sur ma liste de livres à lire très prochainement. Merci beaucoup, Catherine, d’avoir pris le temps de me répondre d’une manière aussi bienveillante. Je te souhaite une très belle soirée, intense et (intérieurement) lumineuse !

On ne sait jamais vers où la vie va nous porter, peut-être alors nous rencontrerons-nous un jour...”

Stefanie

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