Un petit air de musique… Merci David Denborough #3

Par Martine Compagnon

Une autre découverte incroyable, suite à ma rencontre avec David Denborough : la place de la musique dans ses pratiques.

Je dois reconnaître qu'entre les pratiques d'origines Maoriapportées par les praticiens aborigènes membres de l'équipe du Dulwich center-dont je n'ai pas pu noter le nom, je tiens à m'en excuser-, les pratiquesvécues au Brésil par Marilene Grandeso et Adalberto Barreto et les expériencesvécues au Rwanda, la musique peut légitimement se sentir invitée dans lessessions, accompagnements, ateliers vécus ou conduits par David.

Il a partagé avec nous le déroulement des "thérapiescommunautaires qui ne sont pas des thérapies", conduites par exemple à SanSalvador, Brésil. Plus fort encore, il nous a proposé de vivre, en unedemi-journée à peine, l'une de ces expériences.

Recette d'un atelier de "thérapie communautaire qui n'est pas une thérapie"

  1. Munissez-vous d'une communauté dont les membresvivent des situations difficiles et souhaitent être plus forts face aux effetsde ces situations.
  2. Prenez soin de rechercher autour de vousquelques ingrédients rares et puissants :
    1. Une ou des personnes en mesure de créer unrituel d'accueil et de clôture. Rituel si possible corporel, rythmique,chaleureux, susceptible d'échauffer les participants à un partage puissant. Unexemple de cet ingrédient à Paris se trouve sous l'appellation de DinaScherrer, dit aussi "ahquilsontjolislesarbresdemonpays" mais peutaussi se trouver dans d'autres endroits.
    1. Un orchestre. Oui, un orchestre en live, aurépertoire fourni, à la feuille fraîche, capable de jouer à la demande de tout.eparticipant.e un air de musique, avec l'émotion et l'intensité adéquates. Cetingrédient est très très important. Il permet de traduire efficacement etpuissamment, en quelques virgules musicales, des émotions telles que ledésespoir, l'affliction, l'ironie, l'espoir et servira à rythmer et ancrer dansles cellules les moments importants et indicibles du processus. En France,tentez l'acquisition temporaire d'un Pierre Blanc-Sahnoun absolument muni de saguitare.
    1. En cas de repas particulièrement riche, prévoyezquelques documenteuses ou documenteurs. Retirer le pied, cad le"menteur" ou "menteuse" de leur nom, pour ne garder queleur créativité, leurs multiples aptitudes à rédiger des poèmes, slammer,remplir des certificats, photographier les avants et après, créer des puzzles,lister des verbes, composer des chansons… Ces ingrédients se trouvent trèsfacilement dans la communauté narrative francophones.
    1. Enfin, dotez-vous, si vous ne le faites pasvous-même, de facilitateurs aguerris, bienveillants, capables de revenir toutle monde scrupuleusement et en douceur au déroulé et au processus prévu…Quelques spécimens nantais sont remarquables, et d'autres régions productricessont aussi reconnues.
  3. Proposer aux membres de la communauté, une foisaccueillis et enmusiqués, de poser au centre du cercle les situations réellesdont ils veulent parler. Assurez-vous que les situations sont personnellementvécues, bien assises sur des circonstances précises.
  4. Une fois les thèmes listés, qui ont pudéclencher une première rafale de rengaines ("non, rien de rien, non je neregrette rien", "résiste, prouve que tu existes", "c'est unbeau roman, c'est un belle histoire"), faites voter l'ensemble de lacommunauté sur le sujet qui semble le plus pertinent à cet instant.
  5. Installez la personne dont le thème est retenuau centre du cercle. Interrogez-la en douceur, afin de permettre de nommer leproblème, d'en connaître les effets, de l'externaliser. Épaississez la sauce.
  6. Attention, étape critique : grâce à desquestions telles que "qui d'autreaurait pu vivre une telle situation ?", traduisez ce problème en uneformulation plus générale, de telle sorte que l'on puisse se consacrer àréduire les effets d'un problème d'origine sociale. Par exemple, si lasituation présentée parle de discrimination associée à un statut de personneséropositive, trouvez le juste degré qui permet de nommer "une situationd'exclusion pour de multiples raisons"… Ceci garantit la richesse del'étape suivante, et permet à chacun de garder à l'esprit la lecture politiquedes difficultés individuelles.
  7. Partagez ensuite le savoir local de résistanceaux effets de ce problème ainsi élargi. Pensez à documenter ce momentd'échanges aigre-doux, sucré-salé, certainement ponctué à la demande devirgules musicales. Honorez ainsi le savoir local, ancestral, artisanal,personnel, sauvage et résilient de résistance. Célébrez les anciens, lessorcières, les enfants, les fous, les courageux, les insensés, les militants,les innocents, les étrangers dont les réponses se sont transmises et embelliesau fil du temps. Ne filtrez surtout pas.
  8. Il est temps de demander à la personne queleffet a eu sur lui / elle tout ce partage de savoirs et d'astuces. Ce que celapourrait lui permettre demain.
  9. Dernier coup de bouillon grâce au rituel declôture.
  10. Prenezdès à présent rdv pour venir (re)partager les documents à tête reposée, etdemander à la communauté si elle souhaite que ces retours soient eux-mêmespartagés avec d'autres communautés dont les membres pourraient rencontrer dessituations comparables.
  11. Débranchezl'orchestre avant de quitter les lieux.

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