Il faut absolument que nous trouvions comment répondre aux 6 questions de Bruno Latour

Un article de Catherine Mengelle

Bruno Latour, illustration Tiffet,

Le Devoir

Je regrette mais je ne crois pas que le coronavirus soit le messager d'un monde nouveau ; il est au contraire complice du monde ancien.

Statut renforcé des grandes surfaces au détriment des petits magasins de proximité, pouvoir renforcé des grandes entreprises qui s'en sortent mieux que les petites, ce qui ne les empêche apparemment pas d'abuser cyniquement des aides de l'état, retour de l'idée de l'état de guerre, "héroïsation" d'un personnel de santé qui demande moins à être applaudi que des conditions de travail dignes de leur mission (héroïser les soldats : tactique de chef de guerre pour tuer revendications et critiques susceptibles de nuire à des projets supérieurs), mauvais relents de chasse aux sorcières, recherche de boucs-émissaires, retour des femmes aux travaux ménagers, retour de la violence confinée, enfermement des gens de la rue, société du contrôle et de la surveillance accrue, internalisation de discours tenus pour vérités absolues, auto-régulation remarquable des personnes. Le pétainisme n’est plus très loin…

C’est le moment de relire Foucault et ses collègues, pas uniquement les accords toltèques comme le suggère si naïvement une journaliste de Sud-Ouest hier. Les Apple et Google se sont précipités sur les solutions de traçage avec une ardeur témoignant d'une avidité financière et d'une irresponsabilité totale. En fait ils manifestent surtout un immense mépris pour tous les cons que nous sommes qui participons de plein gré à leur expansion sans limite. Désolée de vous mettre dans le même panier que moi.

En dehors du bénévolat qui assure unmaximum pendant cette période, les petites initiatives crèvent. Va redémarreravec encore plus de force l'économie que nous connaissons trop bien,essentiellement parce que c'est elle qui en aura le plus la possibilité,soutenue par des politiques terrorisés à l'idée de ne pas être reconduits dansleurs fonctions et surfant sur la peur populaire qu'ils ont parfaitementinstillée dans les esprits (voir leur précipitation à rendre les masquesobligatoires quand ils manquent encore cruellement à ceux qui en ontvéritablement besoin).

Sauf si nous nous mobilisons, autour de ces 6 questions par exemple, sauf si nous inversons la pression populaire. Les états suivent les peuples. Bougeons-nous !

Ce n'est pas du coronavirus qu'il fautavoir le plus peur, j'en suis convaincue. Quand je dis ça, je ne nie évidemmentpas la douleur de tous ceux et celles qui ont perdu ou qui s’inquiètent pour unproche. J’affirmerais exactement la même chose si mon propre fils était endanger du Covid-19 et ceux qui me connaissent savent que ce n’est pas uneparole en l’air. Essayons de faire la part des choses.

Et si c'est évidemment sympa de vousrevoir lors de conférences confinées, j'aimerais tellement que nousréfléchissions à être des acteurs responsables. Je butte sur le comment faire.Je ne suis pas une femme d'action, je suis plutôt à l'aise avec les idées et lapédagogie. Je cherche donc du soutien pour agir.

Je voudrais m’excuser enfin de toutes lesréactions inadéquates que j’ai pu avoir ces derniers temps. Ma révolte acommencé par un post sur Linkedin dès le premier jour du confinement. Lalecture de cet article peut peut-être vous aider à comprendre ce qui se passeet à quel point la situation soulève de la colère chez moi – une colère saineje trouve, je ne veux pas qu’on me fasse la remarque que la colère obscurcit maréflexion, au contraire, plus je réfléchis et plus je suis en colère.

Sans doute, ma plus grande peuraujourd’hui est de me retrouver, à cause de mes idées, écartée des communautéshumaines, stigmatisée et qui sait, envoyée bientôt au bûcher par un monde debien-pensance que je déteste… Ce n’est pas pour rien que j’ai fait miennes lesidées et les pratiques narratives. Elles sont politiques avant toute chose. Cen’est pas possible que nous laissions faire ce qui se passe sans bouger.

Les six questions de Bruno Latour extraites de l’article : Imaginer les gestes-barrières contre le retour à la production d’avant-crise

Question 1 : quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles ne reprennent pas ?

Question 2 : décrivez a) pourquoi cette activité vous apparaît nuisible / superflue / dangereuse / incohérente ; b) en quoi sa disparition / mise en veilleuse / substitution rendrait d’autres activités que vous favorisez plus faciles / plus cohérentes ? (faire un § distinct pour chacune des réponses listées à la question 1)

Question 3 : quelles mesures préconisez-vous pour que les ouvriers / employés / agents / entrepreneurs qui ne pourront plus continuer dans les activités que vous supprimez se voient faciliter la transition vers d’autres activités ?

Question 4 : quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles se développent / reprennent ou celles qui devraient être inventés en remplacement ?

Question 5 : décrivez a) pourquoi cette activité vous apparaît positive ; b) comment elle rend plus faciles / harmonieuses / cohérentes d’autres activités que vous favorisez ; et c) permettent de lutter contre celles que vous trouvez défavorables ? (faire un § distinct pour chacune des réponses listées à la question 4)

Question 6 : quelles mesures préconisez-vous pour aider les ouvriers / employés / agents / entrepreneurs à acquérir les capacités / moyens / revenus / instruments permettant la reprise / le développement / la création de cette activité ?

(Trouvez ensuite un moyen pour comparer cotre description avec celles d’autres participants. La compilation puis la superposition des réponses devraient dessiner peu à peu un paysage composé de ligne de conflits, d’alliances, de controverses et d’oppositions.)

Pour y répondre directement en ligne :

https://lemouvement.ong/brunolatour/

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